Tu sais que j'aime piocher au pif dans les livres de la bibliothèque.
"Il y en a un qui est en nouveauté depuis plus d'un an et qui n'a jamais été emprunté", me chuchote la dame de la biblio.
Forcément je suis tentée, je ne recule pas quand je lis le titre: Berceuse pour un pendu. Une année sans être ouvert, pas très étonnant avec un titre si peu engageant.
Et dès les premières pages, des trésors, quelques inégalités dans l'écriture, mais un univers à la Kundera et de vrais trésors, comme ça:
"Nous sommes sortis. Je me suis appuyé au capot, me délectant de l'extraordinaire spectacle, et Szymon a pris dans la voiture son maillot de bain et sa serviette qu'il a étendue par terre comme le fond les baigneurs à la plage de Miedzyzdroje. Il s'est complètement déshabillé et a enfilé son maillot bleu, a sorti son archet, son violon, l'a accordé et a demandé: Tu ne te baignes pas, n'est-ce pas? et avec son violon il est entré dans le champ de lupins. Il allait de l'avant, lentement, tenant son instrument au-dessus de sa tête, comme s'il ne voulait pas le mouiller, comme s'il barbotait dans les vagues. Il marchait sans s'arrêter, il allait de l'avant, jusqu'au moment où il s'est transformé en petit point blanc, on ne voyait plus que son buste, ses jambes étant enfouies dans les lupins, et son maillot bleu se fondait dans la couleur des fleurs.
[...]
Il s'est immobilisé, j'ai entendu une douce musique en provenance du champ. C'était un air serein, mélodieux, en parfaite harmonie avec le lieu. Si Szymon s'était barbouillé de bleu, on aurait pu croire que c'étaient les lupins qui jouaient, que les fleurs avaient en elles des cordes et des caisses de résonance. Le vent s'est levé. La mélodie s'est mêlée à son souffle. Un orchestre philharmonique au coeur de la mer [...]"
Ce magnifique texte est un hommage à un violoniste tellement poète qu'on hésite à croire en la maladie qui le hantait.
Ne crains pas le titre, plonge.
Berceuse pour un pendu, Hubert Klimko, éditions Belfond
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