jeudi 9 février 2012

Belleville, Chinon, Blayais, St Laurent, St Alban...

De jolis noms de villes qui inviteraient au baguenaudage, s'ils n'abritaient tous autant qu'ils sont, une centrale. 
En Bretagne, on sait qu'on n'en a pas. 
Plus. 
Brennilis est endormie au bord de son lac, attendant plus ou moins patiemment d'être totalement démantelée, quant à Plogoff, ce fut la guerre et ouf, les ingénieurs du nucléaire boutés hors de nos contrées.


Mais ailleurs, il y a des hommes et des femmes dont la Centrale est l'entreprise. Le nerf de la guerre. Le pain sur la table. Ils y vont comme on va au combat, la peur aux ventre pour les uns, une idée de défi pour les autres.
Des villes moyennes voient ainsi les boîtes d'intérim et les mobilhomes qui logeront leurs intérimaires, pousser comme des champignons. 

"Cinq kilomètres. C'est la distance qui sépare la centrale du village --- et réciproquement en cas d'incident. On ne la voyait pas encore, mais on savait qu'elle était là. 
[...]
Dans le choix d'un site, tel emplacement plutôt qu'un autre, le cahier des charges des ingénieurs n'a pas changé depuis les années soixante: une ville moyenne située à distance raisonnable d'une grande agglomération, si possible sous le vent de cette agglomération - selon les vents dominants- et non pas l'inverse [...]


 "Il se tient debout au bord de la piscine, vide. Il se tient debout en combinaison étanche, heaume ventilé et masque à gaz sous le heaume, incapable de franchir le pas qui lui permettrait d'agripper la rampe, de pivoter, puis de poser son bottillon droit en caoutchouc blanc et semelle crantée sur le premier barreau de l'échelle, en prenant bien garde de ne pas s'enrouler ou entortiller le cordon d'alimentation, une fausse manœuvre qui couperait net l'arrivée d'air au mauvais moment, une fois atteint le fond de la piscine; pour l'instant en cas d'urgence ou sur un coup de tête, il peut encore agir, arracher le heaume et le masque et respirer librement, mais quinze mètres plus bas, ce qu'un homme sans tenue complète de protection est surtout libre de respirer, ce sont les gaz et aérosols radioactifs libérés par les parois, tritium, cobalt césium,etc. Il entend la voix derrière lui, à travers le heaume qui lui donne l'ordre pour la deuxième fois de descendre. Il ne réagit pas."

La Centrale, Elisabeth Filhol, éditions Folio

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