dimanche 29 avril 2012

Un tour au comptoir

Parce que dans une autre vie, je te l'ai déjà dit, mon taf c'était patronne de bistrot, j'avais écrit ça, pour la feuille de chou de mon quartier:
Dans quelques décennies, quand on évoquera les cafés, on dira :
 " Souvenez-vous, c'était ces drôles d'endroits dans lesquels les gens de toute sorte se côtoyaient, se saluaient et parfois, souvent même, s'adonnaient à une activité des plus curieuses: ils se parlaient. Chacun se souciait des autres. Les tenanciers s'inquiétaient du moral et de la santé de tout le monde. On n'apercevait pas le petit monsieur de la rue là-bas pendant deux jours, on envoyait quelqu'un frapper à sa porte pour s'assurer que tout allait bien.
On les appelait bistrots, troquets, caboulots, estaminets, comptoirs...
Ils étaient de vrais lieux de vie. Là, que les enfants étourdis à la porte venaient attendre leurs parents, là que les papys esseulés venaient caresser l'espoir de trouver une oreille attentive à leurs soucis, ici que les lycéens venaient réviser leurs cours et goûter aux joies du baby-foot, ici encore, que le solitaire venait chercher un peu de réconfort au fond d'une bouteille. C'était là aussi que les mal-réveillés entamaient leur journée et que les pas-fatigués la terminaient. 
C'était des endroits qui sentaient bon le café fraîchement moulu et qui respiraient la joie de vivre. Il se passait mille vies au café du coin."
Bienheureux de passer devant le café d'en bas tous les jours, profitons-en, poussons la porte et allons y rencontrer notre voisin. 
Tu imagines bien  que quand j'ai vu ça, je n'ai pas résisté.




Mon petit texte a une dizaine d'années, le livre de Pierrick Bourgault a un mois.
Ils disent la même chose.
Que deviendront les vrais gens lorsque tous les bistrots du monde seront devenus de belles brasseries proprettes?
Où iront les errants, les pas communs, les pas commodes, ceux qui parlent, ceux qui disent, ceux qui exultent?


Je te rappelle que ce challenge est initié par elle.


L'écho des bistrots, Petite confidence sur les cafés, pubs, tavernes et autres buvettes, Pierrick Bourgault, éditions Transboréal

samedi 28 avril 2012

Du culte de la personnalité

Me voilà à relire L'évangile selon Pilate, de Eric-Emmanuel Schmitt. Il fait partie de la liste de lecture de notre club de lectrices de la biblio, d'où cette reprise en mains. 
J'en avais gardé un souvenir plutôt intéressant, je me rappelais avoir aimé ce point de vue de l'histoire d'un type plutôt ordinaire, qui parce qu'il est suivi par d'autres devient ce que l'on sait. Fils de. Crucifié et la suite.
Evidemment j'imagine qu'il est plus compliqué de le lire pour quelqu'un qui croit. Moi je ne crois en rien sauf en les papillons et les fleurs des champs.
Ce qui m'a interpellé au cours de cette relecture, en pleine période électorale, c'est ça:
"Caïphe n'a jamais cru à la sincérité du Nazaréen, il n'y a vu qu'une magnifique campagne pour rallier les esprits faibles à sa personne, lever une armée d'une puissance redoutable, une armée dont les armes sont la foi, la solde le salut."
 L'évangile selon Pilate, Eric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel

vendredi 20 avril 2012

Des nouvelles d'Israël

Si tu meurs d'envie de savoir ce qu'il advient de tes mensonges, ce qu'il se passe dans la tête d'une goyave, ce que peut être la vie d'une hémorroïde, pourquoi tu préfères ton chien à ton conjoint, et tant d'autres choses oscillant entre l'absurde et le farfelu, rue-toi de toute urgence sur ce petit délice de 200 pages.
Tu ris, ensuite tu réfléchis et tu pleures, parce que sous le clownesque se cache l'horreur.
Un auteur que je découvre, il est cinéaste et auteur de bandes dessinées. 
J'espère avoir l'occasion de t'en parler encore.


Au pays des mensonges, Etgar Keret, éditions Actes Sud, traduction Rosie Pinhas-Delpuech

mercredi 18 avril 2012

Mordre la poussière

Si tu n'aimes ni la bière ni le steak de kangourou congelé, ne t'enfile pas dans ce Cul-de-sac, devenu Piège nuptial dans sa dernière traduction.
Si tu aimes le western australien abracadabrantesque, alors vas-y.
"Morale de l'histoire: on peut foutre sa vie en l'air rien qu'en tombant amoureux d'une carte."
Je n'avais jamais rien lu de ce Douglas Kennedy tant porté aux nues. C'est fait. J'ai attaqué avec son premier roman qui semble-t-il serait le meilleur. Je ne suis pas certaine d'avoir aimé. 
Le rouge, la poussière, relevés de traits noirs, j'ai aimé: tu lis un roman, tu vois une bande dessinée. 
L'histoire complètement invraisemblable, j'ai moins accroché: tu suis des personnages auxquels tu ne crois pas. Comme ces personnages dessinés qui en s'animant se rendraient compte qu'ils n'ont qu'une face.

Il va falloir que j'emprunte d'autres bouquins de ce monsieur-là. Il va falloir que je sache si j'aime ou pas ce qu'il écrit.


Piège nuptial, Douglas Kennedy, éditions Pocket, traduction Bernard Cohen

vendredi 13 avril 2012

Trete trete trete trete

Tu l'entends là, ce bruit qui te berce?

Trete trete trete tretetete

C'est parce que tu es dans le Transsibérien, c'est ça ce bruit.
Ben si, regarde il y a Aliocha là-bas, recroquevillé contre la vitre arrière du dernier wagon. Il regarde sa vie s'eloigner.

Trete trete tretete

Ici il y a Hélène, qui fume. Et dans son cagibi, la provodnitsa (la gentille, celle de l'autre bout, la blonde, ce n'est pas la même chose...) qui remplit le samovar.

Trete tretete trete tretete tretetete

C'est quoi ces cris et ces bruits de portes de cabines qui s'ouvrent et se ferment?
Ah c'est le lac. Le Baïkal.
Regarde.
"[...] lac infini, les rives en pente douce, les hameaux de villégiatures déserts, les isbas de bois, le rivage si proche sans la moindre vague, à peine un clapotis, on capture tout ce qu'on peut pendant que le lac demeure visible, et s'étire, velouté, lisse, miroir du ciel, pas une ride sur l'eau, seule une barque solitaire quasi immobile dans le soir qui tombe [...]"

Tretete tretete trete trete tchou hou






Tangente vers l'est, Maylis de Kerangal, éditions Verticales, collection Minimales 



mardi 10 avril 2012

Un Souchon peut en cacher un autre

Lorsque j'ai sorti ce livre de ses rayonnages à la bibliothèque, je n'ai pas du tout fait le rapprochement entre ce Souchon-là et le Souchon-chanteur qui me touche tant.
Pour tout dire, je m'intéresse tellement peu à la vie privée des gens connus, que je ne savais par conséquent pas que le second avait un frère écrivain. Je ne savais pas non plus que leur mère écrivait aussi. Plutôt des romans à l'eau de rose, surtout pour subvenir aux besoins de ses enfants, si j'ai bien lu.
Et voilà que ce Souchon-là (Patrick) me raconte la mère et l'histoire de la famille de ce Souchon-là (Alain). Il écrit ce que j'avais cru entendre dans les chansons de son frère. La disparition tragique du père, la vie de la mère, la grand-mère, le Loir-et-Cher, ce château que la mère s'offre, comme on s'offre une tenue d'apparat. Ce château que je connais, des amis de ma mère habitaient ce village-là.
Désormais j'entendrai encore d'autres choses dans les chansons d'Alain. Merci Patrick.

On avance by Alain Souchon on Grooveshark


La chanson de Nell, Patrick Souchon, éditions Grasset

vendredi 6 avril 2012

Lire à en avoir les chocottes

Tu imagines le type. Il a 39 ans et il publie son premier roman. Il cartonne. 
Toi, tu lis, tu accroches à tel point que tu ne le lâches pas avant la fin, tu flippes un peu, et tout le long tu penses au type qui  a écrit. Qui a grosso modo le même âge que toi et grosso modo la même culture. Qui a pondu un bon livre grand public. Mais qui a grandi comme toi dans ce monde où tout transparaît, où on dit au grand jour ce qui était caché avant, où on comprend que l'esprit de l'humain est sacrément tordu. 


 Tu te dis alors qu'une bonne tasse de thé et La petite maison dans la prairie, ce sera pas mal, avant d'aller dormir.


Avant d'aller dormir, S.J. Watson, éditions Sonatine, traduction Sophie Aslanides

mercredi 4 avril 2012

Léonard

Tu te souviens, j'avais eu une histoire avec Michel-Ange, à Constantinople. Cette fois, c'est son rival que j'ai rencontré.
Moins de poésie dans les mots de Sophie Chauveau, mais comme Mathias Enard elle t'emmène à la rencontre d'un homme.
Et quel homme. Léonard de Vinci, le génie. Dépravé, et génial.
De bouges en coulisses royales, ce livre te balade dans l'Italie de la Renaissance, du faste et de la peste.
On y  apprend un homme obsédé par son corps, obsédé par son art, obsédé par la science, obsédé par sa capacité d'invention.
"Inachevée, sa vie, comme sa Bataille d'Anghiari, comme sa si chère statue équestre, comme La Cène dont tous les voyageurs lui disent qu'elle a été ravagée par une inondation, comme ses canaux tracés, ses palais jamais édifiés, ses inventions à jamais au secret de ses carnets. Sa machine à voler, son plus cinglant échec. Son pire regret."
Tu comprends qu'il ne reste malheureusement que quelques miettes de son oeuvre.
Mais quelles miettes.


L'obsession Vinci, Sophie Chauveau, éditions Folio

mardi 3 avril 2012

Fil de lecture #10

Le septième fils, Arni Thorarinsson, éditions Métailié NOIR, traduction Eric Boury

dimanche 1 avril 2012

.

Il y a des pages qu'il faut ingurgiter puis digérer avant d'en parler ou même d'y repenser. Anticorps est de ces pages-là.

"C'est ainsi. Nous nous sommes habitués l'un à l'autre. Comme l'on fait avec les choses qui ne nous conviennent qu'à moitié, j'ai admis, avec les temps, la possibilité de mon mari."

Les mots de Fabienne Kanor te rentrent dedans. En plein. 
Tu voyages en pays que tu n'osais imaginer puisque toi, tu es libre. 
Elle te semble à la limite de l'indécence, ta liberté d'être. 
Pourtant tu le sais bien, tu en connais, tu en as côtoyé de près de ces femmes-là, soumises, malheureuses, aliénées à leur situation tordue. Mais parfois, tu les oublies.

"Déterminée, du moins en théorie, à changer le monde, j'ignorais alors que j'étais un pion dans la matrice. Une femme comme une autre, condamnée au vieillissement, à plus d'emmerdes, à moins d'amour. Sous ma robe dont les rayures se dressent comme des barreaux, je sens pointer mes poignées de haine."

Fabienne Kanor  image France ô
Ne les oublions plus.









Anticorps, Fabienne Kanor, éditions Gallimard, collection Continents Noirs
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...