"Les chiens pioncent, la lampe à gaz chuchote. La nuit ne tolère que le bruit d'un verre qui glisse sur la table et de l'Opinel qui tranche le pain. La salive s'avale, le tabac s'enroule et une mine se promène sur un cahier. J'ignore toujours ce que j'aime dans ce métier qui n'en est pas un. J'ignore pourquoi je suis heureux, assis sur le pas de la porte, à extraire du silence les murmures de la nuit. C'est devenu un rituel, un cérémonial réglé, dont je ne saisis pas toute l'ampleur."
Blaise Hofmann est le H de mon challenge ABC, et c'est le H de bonheur. Ce texte relate la vie, la dureté, la solitude, et la sérénité du berger. Parce que tu vois dans la vraie vie, il y a encore des gens qui choisissent (ou pas) de conduire des troupeaux à l'alpage et de vivre à leur côté pendant quatre ou cinq mois. Des hommes qui aiment leurs brebis, les agneaux et les chiens, qui leur parlent quand la solitude est trop lourde à porter.
Avec Estive, on attrape son bâton de marcheur et on grimpe. On y va. On respire les fleurs des pâtures, on voit le soleil se lever, on est trempé quand il pleut et on est inquiet quand le passage est beaucoup trop escarpé que les pierres roulent sous les pas des bêtes et que ouf! celle-ci a failli déraper. On a froid la nuit, on a soif aussi quand le soleil cogne, alors on aime qu'un relayeur arrive pour deux jours et on redescend se rincer le gosier. On fait le tour de la saison et bientôt sonnera l'heure de la désalpe.
Estive, Blaise Hofmann, éditions Zoé Poche